Délais de paiement : une copie à revoir !
« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage à demain, si on ne vous paie pas le salaire d'aujourd'hui », écrivait Jacques Prévert. Une réflexion qui a dû inspirer la Commission européenne qui, conformément à un engagement pris dans le cadre du « Small Business Act », invite à adopter une nouvelle approche pour remédier à la situation des retards de paiement.
Adopté en juin 2008, le « Small Business Act » pour l'Europe reflète la volonté de la Commission de reconnaître le rôle essentiel joué par les PME dans l'économie européenne. Il établit, pour la première fois, un cadre politique global pour l'Union européenne et les États membres.
Ainsi, le 13 septembre 2010 marque une étape importante dans la
procédure visant à réviser la directive de 2000 sur les retards de
paiement dans les transactions commerciales (Directive 2000/35/CE du
Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2000 concernant la lutte
contre le retard de paiement dans les transactions commerciales).
C’est ainsi que les négociateurs du Parlement ont réussi à
convaincre les représentants des États membres d'accepter une règle de
30 jours à l'échelle européenne !
«La date limite standard pour payer une facture relative à des
biens ou des services sera désormais de 30 jours pour les secteurs
public et privé» précise le Parlement dans un communiqué, une
disposition qui remet notamment en cause le principe de liberté
contractuelle qui prévalait jusqu’à présent.
C’est un succès d’autant plus importante que la proposition
initiale de la Commission laissait « les débiteurs et les créditeurs
s'entendre en pratique sur les grandes lignes » selon la négociatrice de
l'assemblée, l'eurodéputée S&D, l’allemande Barbara Weiler.
Elle ajoute que « cet accord signifie que les PME ne seront plus
forcées à servir de banques aux entreprises publiques et aux grosses
compagnies » (via le crédit inter-entreprises que les entreprises
s'accordent entre elles implicitement à travers les délais de paiement
consenti par une entreprise à ses clients).
Toutefois, le Parlement a concédé une dérogation de 60 jours pour
les marchés publics qui devra être motivée par une « justification
spéciale » et ne s'appliquera que dans des « circonstances
exceptionnelles ».
Il est par ailleurs précisé qu’en cas de non respect de ce délai
de 30 jours, une majoration de 8% du taux d'intérêt de référence serait
appliquée (outre un montant fixe de 40 euros de compensation pour les
frais de recouvrement).
Enfin, en vue de s'assurer que les produits ou services sont
conformes aux termes du contrat, une période de vérification serait
fixée à 30 jours, sans que ce délai ne puisse être utilisé comme
échappatoire en vue de retarder le paiement inutilement.
Rappelons qu’en France, la Loi LME du 4 Août 2008 a modifié
l’article L 441-6 du Code de commerce qui dispose désormais que : « Sauf
dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues
entre les parties, le délai de règlement des sommes dues est fixé au
trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou
d’exécution de la prestation demandée. Le délai convenu entre les
parties pour régler les sommes dues ne peut dépasser quarante-cinq jours
fin de mois ou soixante jours à compter de la date d’émission de la
facture » (toutefois, la loi PERBEN du 5 janvier 2006 impose déjà des
délais de paiement de 30 jours aux transporteurs routiers).
La prochaine étape est prévue en octobre prochain à Strasbourg
devant le Parlement européen, qui devrait voter en session plénière
l’accord révisant la directive de 2000, ce qui obligera certains
gouvernements à revoir une nouvelle fois leur copie sur les délais de
paiement.
Thierry CHARLES
Docteur en droit
Directeur des Affaires Juridiques d’Allizé-Plasturgie
Membre du Comité des Relations Inter-industrielles de Sous-Traitance (CORIST) au sein de la Fédération de la Plasturgie
et du Centre National de la Sous-Traitance (CENAST)
t.charles@allize-plasturgie.com
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Jeudi 23 Septembre 2010